Lits vacants, chaises inoccupées et sols poussiéreux. Pieds à perfusion non utilisés, et autre matériel médical qui traîne dans un coin. Des services hospitaliers qui étaient autrefois remplis de mères et d’enfants à la recherche de soins sont aujourd’hui vides.

Depuis le début de la pandémie de COVID-19, ce phénomène est devenu fréquent dans de nombreux établissements de santé de Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). Entre mars et juillet 2020, le nombre de patients se rendant dans les établissements de santé a radicalement chuté, passant de 70 % à 25 %. La crainte de contracter la COVID-19 a empêché les parents d’emmener leurs enfants dans les hôpitaux et les cliniques, tandis que de nombreuses femmes enceintes ont pris la décision de reporter leurs soins prénatals et les vaccinations de routine. Les confinements ont rendu les déplacements plus difficiles pour les femmes, que ce soit dû au manque de garde d’enfants ou de transports.

Au cours de cette même période, le financement des services de santé de routine vitaux pour les femmes, les enfants et les adolescents a fortement diminué suite à la réorientation des ressources en direction des efforts de réponse d’urgence du pays à la COVID-19. Cette réorientation semble avoir augmenté avec le temps : en avril 2020, seuls 6 % du budget de la santé étaient reprogrammés vers la réponse à la COVID-19, alors qu’au mois d’octobre ce chiffre avait plus que quintuplé, pour atteindre 33 % (Graphique 1).

Comprendre le paysage des ressources

Une réponse efficace à la COVID-19 a consisté à mobiliser des ressources supplémentaires et reprogrammer des ressources existantes, tout en assurant un flux de fonds efficace et rapide. La reprogrammation de fonds initialement destinés à des services pouvant sauver des vies peut toutefois entraîner des interruptions de service, exposant des millions de femmes et d’enfants au risque de mourir ou d’en subir les conséquences tout au long de leur vie.

Au tout début de la pandémie, le ministère de la Santé de la RDC a lancé un exercice de cartographie des ressources et de suivi des dépenses (CRSD) dans le cadre du plan de réponse à la COVID-19, avec le soutien du Mécanisme de financement mondial (GFF), l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la Banque mondiale et d’autres partenaires. Ce processus collecte rapidement des données sur les engagements budgétaires, les décaissements et les dépenses en matière de santé et liées à la COVID-19 auprès de plusieurs sources, afin d’aider les gouvernements à surveiller la disponibilité des ressources et les dépenses dans les services de santé de routine, ainsi qu’à suivre les investissements dans les systèmes de santé.

Les données collectées à l’occasion de cet exercice ont fourni de précieuses informations au ministère de la Santé de la RDC. Il a permis de vérifier si le financement national et des partenaires pour lutter contre la COVID 19, pouvait être assuré sans compromettre la mise en œuvre de la stratégie nationale de santé, déjà confrontée à un déficit de financement de 50 % avant le déclenchement de l’épidémie. Ces données ont également permis au ministère d’évaluer les besoins de financement et de comprendre quels piliers du plan étaient sous-financés ou surfinancés. Elles ont également mis en lumière l’allocation de ressources aux zones géographiques présentant les besoins les plus importants, révélant par exemple que les cinq provinces les plus touchées par la COVID-19 recevaient le plus de financement, avec Kinshasa bénéficiant de l’allocation la plus conséquente puisque la capitale avait dû faire face au plus grand nombre de cas (Graphique 3). Enfin, la CRSD a aidé le gouvernement à comprendre l’efficacité avec laquelle le budget est exécuté, incitant le ministère à prendre des mesures pour remédier aux goulots d’étranglement (Graphique 2).

 

Un outil pour tout le monde

La RDC n’est pas la seule dans sa tentative de réponse à la crise de la COVID-19 tout en gérant d’autres priorités à l’échelle de son système de santé, comme la poursuite des services de santé vitaux pour les femmes, les enfants et les adolescents. D’autres pays tels que le Ghana, ont également pris des mesures pour évaluer leurs besoins actuels en matière de ressources. Dans un contexte de pressions croissantes en faveur de la prestation de soins de santé pour tous et d’une plus grande transparence et redevabilité dans l’utilisation de financements supplémentaires, de plus en plus de pays cherchent à obtenir des données fiables pour prendre des décisions éclairées.

Pour répondre au manque de connaissances et à la demande croissante des pays en matière de soutien technique, le GFF, l’OMS, la Banque mondiale, Gavi et le Fonds mondial ont collaboré à la rédaction d’une Fiche technique de CRSD en temps de COVID-19. Cette fiche, qui vise à informer les décideurs politiques et les partenaires du développement dans l’élaboration et la mise en œuvre de la CRSD dans leur réponse à la COVID-19, met en lumière les points suivants :

  • Les modalités de définition des besoins des pays en matière de CRSD dans le cadre de la COVID-19 : avec des exemples de la manière dont les données issues de la cartographie des ressources peuvent servir à renforcer les réponses à la COVID-19.
  • L’élaboration d’un exercice de CRSD « adapté à l’objectif » : une liste de vérification et des alternatives pour les pays qui souhaitent améliorer un exercice de CRSD existant ou pour les pays qui évaluent les prérequis techniques en vue d’un prochain exercice pour leur réponse à la COVID-19.
  • Une présentation des outils disponibles : pour les pays se lançant dans la CRSD pour la COVID-19, ou qui souhaitent modifier leurs méthodologies actuelles et évaluent les outils et ressources disponibles.

Parallèlement à ce travail, l’OMS et le GFF ont conçu conjointement un outil de collecte de données CRSD pour la COVID-19 ainsi que pour des stratégies de santé nationales plus larges, qui est actuellement testé au Niger. Au niveau mondial, l’OMS et l’OCDE développent conjointement une méthodologie pour cartographier les dépenses liées à la COVID-19, à l’aide des classifications SHA2011.

Si ces outils et ressources constituent un premier pas vers un renforcement de la prise de décision et de la transparence, les parties prenantes nationales doivent systématiser ce processus et promouvoir un renforcement de la gouvernance des données, la redevabilité et la transparence.