This piece was originally published on the Investing for Health Blog

L’année 2020 devait marquer un tournant pour l’égalité de genre et la santé : cinq ans après l‘adoption des objectifs de développement durable, dix ans après la création d’ONU Femmes, vingt ans après la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité, et vingt-cinq ans après la Déclaration et le Programme d’action de Beijing. Des progrès, bien que modestes, étaient enregistrés.

C’est alors que la pire crise sanitaire mondiale depuis un siècle a frappé, avec des effets dévastateurs sur la santé et les économies. Alors que les pays luttent contre la pandémie de COVID-19, des éléments récents montrent que les conséquences de cette crise frappent plus particulièrement les femmes et les filles à travers une augmentation des violences sexistes durant le confinement, un accès limité aux services de santé sexuelle et reproductive nécessaires, des pertes d’emploi et une protection sociale insuffisante, des fermetures d’écoles et une augmentation de la charge de travail non rémunéré.

L’année 2020 qui devait être une année charnière menace des décennies de progrès. Alors que les pays mettent tout en œuvre pour remédier aux incidences sanitaires et économiques de la COVID-19, il n’a jamais été si primordial d’intensifier les efforts en faveur de l’égalité de genre.

Remettre l’égalité de genre à l’ordre du jour

Notre défi est de rappeler au monde pourquoi l’égalité de genre dans le domaine de la santé ne peut pas et ne doit pas être la victime ultime de cette pandémie. Nous devons remettre la question de l’égalité de genre à l’ordre du jour des gouvernements et des systèmes de santé.

Le monde est à juste titre occupé par la COVID-19, mais sans un changement urgent pour protéger et rétablir l’accès des femmes et des enfants aux services de santé et de nutrition, les conséquences pourraient être bien plus sérieuses. Vingt-cinq semaines à peine ont suffi à la pandémie pour anéantir vingt-cinq années de progrès en matière de développement. Les pays doivent agir maintenant avant que d’autres progrès plus durement acquis encore ne soient perdus.

La bonne nouvelle est que des améliorations significatives avaient été enregistrées avant l’apparition de la COVID-19 en ce qui concerne l’accès à des services de santé abordables et de qualité, la réduction de la mortalité maternelle et infantile et du nombre de grossesses chez les adolescentes, ainsi que des améliorations en matière de nutrition infantile. En Éthiopie par exemple, le pourcentage d’enfants recevant la dernière dose d’une série vaccinale cruciale est passé de 53 % à 61 % entre 2016 et 2019. En Tanzanie le nombre de femmes recevant quatre consultations prénatales a presque doublé entre 2016 et 2019 où le taux de couverture a atteint 80 %. En Afghanistan, le nombre de décès chez les nouveau-nés et les enfants de moins de cinq ans a nettement reculé pour passer respectivement à 34 % et 35 % ; le taux de retards de croissance est passé de 40 % à 36 % et celui de dénutrition de 9,5 % à 5 %. Dans de nombreux pays, ces indicateurs clés de progrès étaient soutenus par une augmentation du financement de la santé. En trois ans seulement, la République démocratique du Congo a augmenté les ressources nationales pour la santé de 7 % à 10 % de son budget total, contribuant ainsi à élargir la couverture des services et à améliorer les résultats en matière de santé dans des domaines clés.

Ces résultats, comme beaucoup d’autres semblables dans d’autres pays, sont toutefois menacés à la suite des mesures de confinements locaux, des restrictions de déplacements, des difficultés rencontrées pour obtenir des équipements de protection individuelle et de graves pénuries de médicaments essentiels. On estime que 26 millions de femmes dans 36 pays pourraient être sur le point de perdre l’accès à la contraception, ce qui pourrait conduire à près de 8 millions de grossesses non désirées.

La communauté internationale s’est mobilisée afin de protéger certains services, mais les efforts déployés sont encore insuffisants pour inverser la tendance.

Une brève fenêtre d’opportunité qui se referme

Il n’a jamais été aussi crucial de mener une action mondiale concertée et dirigée par les pays pour améliorer la santé des femmes, des adolescents et des enfants. Si le monde veut parvenir à l’égalité de genre, il est essentiel de protéger la santé des femmes et des enfants dans le cadre de l’action contre la COVID-19.

Nous disposons d’une fenêtre d’opportunité brève et étroite pour changer la trajectoire de millions de femmes, d’enfants et d’adolescents. La communauté internationale doit peser de tout son poids auprès des populations les plus marginalisées. L’égalité de genre en matière de santé doit être placée en tête de l’agenda politique, étayée par des stratégies concrètes, des financements et des actions, afin de protéger des vies et de faciliter les progrès. Cela ne peut être réalisé qu’avec la collaboration, la coordination et une approche dirigée par les pays. Les gouvernements donateurs, les organisations philanthropiques et les gouvernements bénéficiaires doivent travailler ensemble pour collecter des fonds, investir intelligemment et fournir une assistance technique. Le prochain Forum Génération Égalité de l’ONU Femmes, qui aura lieu en 2021, sera une plateforme essentielle pour mobiliser un large soutien politique et faire en sorte que cette dynamique se traduise par des politiques nationales, des engagements budgétaires et des actions durables.

Les pays montrent la voie

Le Mécanisme de financement mondial pour les femmes, les enfants et les adolescents (GFF) est une plateforme collaborative, pilotée par les pays, qui fournit un soutien technique et financier. Elle a été créée en réponse à l’appel lancé par les pays en développement aux partenaires mondiaux pour qu’ils s’alignent sur leurs plans et priorités nationaux en matière de santé, favorisant ainsi un changement permanent du paradigme de la santé mondiale et de l’aide au développement. La stratégie du Mécanisme de financement mondial pour la période 2021-2025, récemment adoptée, renforcera encore le modèle de partenariat dirigé par les pays et son impact, en insistant davantage sur le rôle de leadership des pays, la promotion de l’équité et de l’égalité de genre, la révision de la prestation de services de première ligne, la mise en place d’un financement plus équitable de la santé, et une attention constante portée aux résultats.

La COVID-19 a changé le monde à jamais. Nous arrivons chacun à cela avec nos propres perspectives, mais la même conclusion s’impose à nous tous : en travaillant ensemble, nous pouvons faire en sorte que les progrès perdus en matière d’égalité de genre dans le domaine de la santé puissent être récupérés. Tel est notre engagement et nous appelons la communauté internationale à nous rejoindre et à contribuer à remettre tout le monde sur les rails du progrès et à intensifier nos efforts pour que les femmes et les enfants puissent avoir accès aux services de santé et de nutrition dont ils ont besoin pour survivre et s’épanouir.

Le blog est le résultat d’une discussion organisée par le GFF et menée en marge du Sommet mondial de la santé. Les participants à la session ont clairement souligné la nécessité de redoubler d’efforts pour préserver les acquis et favoriser les progrès à l’égard des femmes, des enfants et des adolescents. C’est également ce qui ressort du communiqué final du Sommet mondial de la santé.